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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/20

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d’habitude mauvaise conseillère. C’est saint François de Sales qui en fera la remarque un jour à Philothée[1] : « La mauvaise tristesse trouble l’âme, la met en inquiétude… ; elle est comme un dur hiver qui fauche toute la beauté de la terre et engourdit tous les animaux, car elle ôte toute suavité de l’âme » ; il avait dit un peu plus haut : « L’ennemi se sert de la tristesse pour exercer ses tentations à l’endroit des bons ». En effet, on s’inquiète, comme il arrive chaque fois que le cœur veut prendre son repos ailleurs qu’en Dieu ; on tâche de se retenir par l’idée des efforts autrefois tentés et des joies sereines dont ils étaient le prix ; et puis on s’abandonne ; on cherche un divertissement, — car il est vrai que l’âme n’est point faite pour la tristesse, — et pour son malheur on le trouve. C’est le terme où n’aboutissent que trop souvent les bons, voire les meilleurs. On peut croire que ce ne fut point là l’histoire même de Philothée ; mais il est sûr qu’elle demeura, pendant plusieurs années, attachée de cœur au milieu mondain où s’était écoulée sa jeunesse, et qu’elle eut souvent encore à lutter contre ce souvenir, puisqu’il lui arrivera, à l’occasion d’un voyage qu’elle devra faire à la cour, de prendre peur, et de demander à celui dont elle aura fait son guide, des conseils et un appui. Bref, on n’oserait dire que Philothée eût vécu « au monde sans recevoir aucune humeur mondaine »[2]. Et de fait un document presque contemporain[3], qu’on n’a point de raison de suspecter, nous

  1. Introd., IV, 12.
  2. Ibid., préface.
  3. Cité par Vuÿ, qui d’ailleurs en tire une conclusion toute différente ; cf. ouvrage cité, t. I, p. 91.