Aller au contenu

Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/200

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

confit et détrempé en la colère : et si bien il semble que la seconde colère ruine la première, si est-ce néanmoins qu’elle sert d’ouverture et de passage pour une nouvelle colère, à la première occasion qui s’en présentera ; outre que ces colères, dépits et aigreurs que l’on a contre soi-même tendent à l’orgueil et n’ont origine que de l’amour-propre, qui se trouble et s’inquiète de nous voir imparfaits.

Il faut donc avoir un déplaisir de nos fautes qui soit paisible, rassis et ferme ; car comme un juge châtie bien mieux les méchants faisant ses sentences par raison et en esprit de tranquillité, que non pas quand il les fait par impétuosité et passion, d’autant que jugeant avec passion, il ne châtie pas les fautes selon qu’elles sont, mais selon qu’il est lui-même ; ainsi nous nous châtions bien mieux nous-mêmes par des repentances tranquilles et constantes, que non pas par des repentances aigres, empressées et colères, d’autant que ces repentances faites avec impétuosité ne se font pas selon la gravité de nos fautes, mais selon nos inclinations. Par exemple, celui qui affectionne la chasteté se dépitera avec une amertume nonpareille de la moindre faute qu’il commettra contre icelle, et ne se fera que rire d’une grosse médisance qu’il aura commise. Au contraire, celui qui hait la médisance se tourmentera d’avoir fait une légère murmuration, et ne tiendra nul compte d’une grosse faute contre la chasteté, et ainsi des autres ; ce qui n’arrive pour autre chose, sinon d’autant qu’ils ne font pas le jugement de leur conscience par raison, mais par passion.

Croyez-moi, Philothée : comme les remontrances d’un père faites doucement et cordialement, ont bien plus de pou-