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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/271

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toute pure, toute angélique, il ne put onques croire qu’elle eût pris sa grossesse contre son devoir, si qu’il se résolvait, en la laissant, d’en laisser le jugement à Dieu : quoique l’argument fût violent pour lui faire concevoir mauvaise opinion de cette vierge, si ne voulut-il jamais l’en juger. Mais pourquoi ? parce, dit l’Esprit de Dieu, qu’il était juste : l’homme juste, quand il ne peut plus excuser ni le fait ni l’intention de celui que d’ailleurs il connaît homme de bien, encore n’en veut-il pas juger, mais ôte cela de son esprit et en laisse le jugement à Dieu. Mais le Sauveur crucifié, ne pouvant excuser du moins tout le péché de ceux qui le crucifiaient, au moins en amoindrit-il la malice, alléguant leur ignorance. Quand nous ne pouvons excuser le péché, rendons-le au moins digne de compassion, l’attribuant à la cause la plus supportable qu’il puisse avoir, comme à l’ignorance ou à l’infirmité.

Mais ne peut-on donc jamais juger le prochain ? Non certes, jamais ; c’est Dieu, Philothée, qui juge les criminels en justice. Il est vrai qu’il se sert de la voix des magistrats, pour se rendre intelligible à nos oreilles : ils sont ses truchements et interprètes, et ne doivent rien prononcer que ce qu’ils ont appris de lui, comme étant ses oracles ; que s’ils font autrement, suivant leurs propres passions, alors c’est vraiment eux qui jugent et qui par conséquent seront jugés, car il est défendu aux hommes, en qualité d’hommes, de juger les autres.

De voir ou connaître une chose, ce n’est pas en juger ; car le jugement, au moins selon la phrase de l’Écriture, présuppose quelque petite ou grande, vraie ou apparente difficulté qu’il faille vider ; c’est pourquoi elle dit