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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/28

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Chantal écrivit à la veuve une lettre qui nous en laisse deviner la profondeur : « elle craignait, disait-elle, que sa pauvre chère sœur se fît une habitude de sa grande tristesse ; elle la conjurait de… vivre avec une sainte joie et une sainte espérance de la vie éternelle[1] ». Et en effet cette femme si frêle eut la force de vivre ; car si le rôle de l’épouse était fini, celui de la mère ne l’était pas. Elle avait écrit à Monsieur de Charmoisy, peu de temps avant leur mariage : « Mon amour vous demeurera éternellement conservé jusqu’au tombeau ». Elle tint sa parole, en reportant cet amour sur ses enfants.

Les lettres qu’elle leur écrit témoignent de la sollicitude dont elle les entoure. C’est son fils surtout qui est l’objet de ses soins, car il en a un besoin plus urgent. C’est un jeune homme sans caractère, qu’elle doit sans cesse ramener au sentiment de ses devoirs ; elle recourt, dans ce but, à tous les moyens que lui suggère son industrie maternelle, usant tour à tour de douceur et de fermeté, d’encouragements et de réprimandes. Son ambition, c’est qu’il fasse revivre en lui les vertus de son père. Elle lui recommande d’éviter l’oisiveté, d’être toujours occupé, « tantôt à cheval, tantôt aux armes, tantôt à la danse et tantôt aux mathématiques ; mais encore, ajoute-t-elle, ne faut-il pas oublier sa langue latine[2] ». Son fils est-il obligé de vivre à la cour de Turin, elle le met en garde contre les dangers d’une cour : « Croyez, lui dit-elle, que j’ai des yeux pour vous

  1. cité dans Vuÿ, t. I, p. 269.
  2. Lettre du 12 juillet 1619 ; cf. Vuÿ, ouvrage cité, t. II, p. 212 et suiv.