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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/303

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plus ce réciproque amour que vous vous devez, prenez garde qu’il ne se convertisse point en aucune sorte de jalousie ; car il arrive souvent que, comme le ver s’engendre de la pomme la plus délicate et la plus mûre, aussi la jalousie naît en l’amour le plus ardent et pressant des mariés, duquel néanmoins il gâte et corrompt la substance, car petit à petit il engendre les noises, dissensions et divorces. Certes, la jalousie n’arrive jamais, où lamitié est réciproquement fondée sur la vraie vertu : c’est pourquoi elle est une marque indubitable d’un amour aucunement sensuel, grossier et qui s’est adressé en lieu où il a rencontré une vertu manque, inconstante et sujette à défiance. C’est donc une sotte vantance d’amitié, que de la vouloir exalter par la jalousie, car la jalousie est voirement marque de la grandeur et grosseur de l’amitié, mais non pas de la bonté, pureté et perfection d’icelle ; puisque la perfection de l’amitié présuppose l’assurance de la vertu de la chose qu’on aime, et la jalousie en présuppose l’incertitude.

Si vous voulez, o maris, que vos femmes vous soient fidèles, faites-leur-en voir la leçon par votre exemple. « Avec quel front, dit saint Grégoire Nazianzène, voulez-vous exiger la pudicité de vos femmes, si vous-mêmes vivez en impudicité ? comme leur demandez-vous ce que vous ne leur donnez pas ? » Voulez-vous qu’elles soient chastes ? comportez-vous chastement envers elles, et, comme dit saint Paul : « Qu’un chacun sache posséder son vaisseau en sanctification ». Que si au contraire vous-mêmes leur apprenez les friponneries, ce n’est pas merveille que vous ayez du déshonneur en leur perte. Mais vous, o femmes, desquelles l’honneur est insépara-