Aller au contenu

Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/351

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et impatience ; qui[1] a fait dire au Sage : « La tristesse en tue beaucoup, et n’y a point de profit en icelle », parce que, pour deux bons ruisseaux qui proviennent de la source de tristesse, il y en a six qui sont bien mauvais.

L’ennemi se sert de la tristesse pour exercer ses tentations à l’endroit des bons ; car, comme il tâche de faire réjouir les mauvais en leur péché, aussi tâche-t-il d’attrister les bons en leurs bonnes œuvres ; et comme il ne peut procurer le mal qu’en le faisant trouver agréable, aussi ne peut-il détourner du bien, qu’en le faisant trouver désagréable. Le malin se plaît en la tristesse et mélancolie, parce qu’il est triste et mélancolique et le sera éternellement : dont il voudrait que chacun fût comme lui, La mauvaise tristesse trouble l’âme, la met en inquiétude, donne des craintes déréglées, dégoûte de l’oraison, assoupit et accable le cerveau, prive l’âme de conseil, de résolution, de jugement et de courage, et abat les forces : bref, elle est comme un dur hiver qui fauche toute la beauté de la terre et engourdit tous les animaux ; car elle ôte toute suavité de l’âme, et la rend presque percluse et impuissante en toutes ses facultés.

Si jamais il vous arrivait, Philothée, d’être atteinte de cette mauvaise tristesse, pratiquez les remèdes suivants : « Quelqu’un est-il triste, dit saint Jacques, qu’il prie » : la prière est un souverain remède, car elle élève l’esprit en Dieu, qui est notre unique joie et consolation ; mais en priant, usez d’affections et paroles, soit intérieures, soit extérieures, qui tendent à la confiance et amour de

  1. Ce qui.