Aller au contenu

Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, Curet, 1810.djvu/273

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le même malheur, cela est encore plus vrai de deux personnes dont un même amour a blessé le cœur. L’on a toujours dit que le changement de lieu est fort salutaire pour calmer les inquiétudes de la douleur et les empressemens de l’amour. Ce fut aussi par cette raison que saint Augustin sensiblement affligé de la perte de son cher ami, sortit de Tagaste où il étoit mort, et s’en alla à Carthage : et c’est ce que l’on vit en ce jeune homme débauché dont parle saint Ambroise au second livre de la pénitence, et qui revint d’un long voyage entièrement guéri de ses folles amours. Dès les premiers jours de son retour, il rencontra, sans vouloir s’en apercevoir, une personne qu’il n’avoit que trop connue ; et comme elle lui eût dit : quoi ! ne me connoissez-vous pas ? je suis toujours la même ; oui, lui répondit-il : mais pour moi, je ne suis pas le même ; l’absence l’avoit heureusement changé.

Mais que doit-on faire quand on ne peut absolument s’éloigner ? il faut absolument retrancher toutes les conversations particulières, tout le commerce secret, toutes les démonstrations muettes d’amitié ; en un mot, tout ce qui peut porter, universellement parlant, quelque attrait de cette mauvaise passion ; ou pour le plus, si c’est une nécessité indispensable que de se parler, ce ne doit être que pour une fois, et pour déclarer en peu de paroles et avec beau-