Aller au contenu

Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, Curet, 1810.djvu/305

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jugement téméraire est comme une jaunisse, laquelle fait paroître toutes choses mauvaises aux yeux de ceux qui en sont frappés, Or qui en veut guérir, ne doit pas appliquer le remède à l’esprit, mais aux affections du cœur, lesquelles peuvent être appelées figurément les pieds de l’âme, parce que c’est par elles qu’elle se porte où elle veut. Si donc vous avez de la douceur et de la charité dans le cœur, tous vos jugemens seront doux et charitables : et en voici trois exemples admirables que je vous présente.

Isaac avoit dit que Rébecca étoit sa sœur, et Abimelech qui s’aperçut de quelques démonstrations d’amitié entr’eux, fort tendres et très-familières, jugea que c’étoit sa femme ; un vil malin eût jugé que c’étoit sa maîtresse, ou que si c’étoit sa sœur, il étoit lui-même un incestueux ; mais Abimelech prit le parti charitable qu’il pouvoit prendre sur un tel fait. Voilà comme l’on doit juger favorablement du prochain autant que l’on peut ; et, si une action avoit cent aspects différens, il faudroit la regarder uniquement par le plus bel endroit. Saint Joseph ne pouvoit douter que la sainte Vierge ne fût enceinte ; mais parce qu’il connoissoit son éminente sainteté, et sa vie toute pure, toute angélique, il ne se permit pas le plus léger soupçon contre elle, quelques violens que fussent ses préjuges ; ainsi il prit la réso-