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Page:Delair - L’Éloge d’Alexandre Dumas, 1872.djvu/10

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Et si par impossible, il se taisait, la foule
S’écriait : « Mon beau maître, hélas ! l’heure s’écoule,
Conte-nous au plus vite, il ne t’en coûte rien,
Un de ces beaux récits que tu contes si bien ! »

On dit qu’il n’était pas seul à suivre sa route
Et que ce fleuve avait des affluents… Sans doute !
Le Nil aussi reçoit dans ses courants dorés
Des torrents inconnus, des ruisseaux ignorés…
Mais pendant qu’on remonte aux ombres de sa source,
Lui seul mêle les eaux et pétrit dans sa course
Ce grand limon vital d’où sortent les moissons,
Toutes les oasis avec leurs floraisons  !

Ah ! s’il n’eût pas été si prodigue  ! — Demeure !
Que seulement un jour, que seulement une heure,
Sur cette large main tu reposes ce front
Tout fumant de génie ! — Et nos regards verront
Cette pensée immense, à la fin concentrée.
Se bâtir son chef-d’œuvre au fond de l’empyrée !

Mais il n’a pas voulu ! — Quoi, méditer ! — Grand Dieu !
Réfléchir est déjà si lourd ! — Puis, est-ce peu
Que d’amuser le siècle et d’enchanter la ville ? —
Il n’a pas de chef-d’œuvre ? Hé non ! il en a mille !

Hélas ! Et c’est donc toi, cerveau plein de combats,
Héros de l’action sans trêve, qui tombas,
Sans pleurs, sans bruit, sans fleurs, loin des saintes murailles