Aller au contenu

Page:Delair - L’Éloge d’Alexandre Dumas, 1872.djvu/8

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et bien qu’on te connût, bien qu’on te sache, ô Mort,
Jalouse du meilleur, acharnée au plus fort,
On s’étonna devant ce deuil que rien n’expie,
Et l’on se demanda par quel pouvoir impie
Tu pouvais dessécher dans ta stérilité
Cet océan de joie et de fécondité !

Mais moi, moi qui l’aimais, Mort, je t’ai combattue ;
Le feu qui peut donner une âme à sa statue.
Je l’ai pris dans mon cœur…

Il enlève le voile.

Je l’ai pris dans mon cœur…Et le voici vivant !

Pause. Avec douleur.

Vivant ! — Ce n’est qu’un songe. Oh ! songe décevant !
Oh ! que de fois j’ai cru, sous le ciseau rapide,
En tirant du bloc lourd cette tête splendide,
Sentir battre la tempe et le cerveau brûler !
Le marbre même avait hâte de ressembler
À ce géant du drame. — et moi, comme un homme ivre,
Éperdu, je riais de le faire revivre ! —
Mais brisons nos outils, sculpteurs ! tout notre effort
N’aboutit qu’à tirer un songe de la mort !

Quoi, disparu ! Tombé dans la nuit sans aurore ! —
Ah ! de ceux qui l’ont vu qui ne le voit encore,
Lui, l’athlète robuste et le bon compagnon,
Titan de belle humeur. Jupiter bon garçon.
Qui mêlait dans sa veine, à l’épreuve du pôle,
Le soleil de l’Afrique et le sang de la Gaule !