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Page:Delarue-Mardrus - Le Pain blanc, 1932.djvu/36

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LE PAIN BLANC

des plus grandes querelles conjugales, dans son élément, presque heureuse.

Toute la journée du lendemain fut marquée par les extravagances de Mme Arnaud. Les pourboires pleuvaient. Elle alla jusqu’à déjeuner dans la loge des concierges. Les bonnes couraient à la poste téléphoner aux agences.

Il ne vint, vers la fin de l’après-midi, qu’un commissionnaire bourru qui demanda s’il y avait une lettre au nom du docteur Arnaud, et répondit des grossièretés à toutes les questions.

La filature apprit qu’il allait transmettre la réponse négative qu’il avait reçue au docteur Meslier, jeune confrère du docteur Arnaud, célibataire, lequel reçut à sept heures et demie du soir la visite agitée de Mme Arnaud.

Elle revint de cette expédition hors d’elle. Puisqu’elle avait enfin découvert l’entremetteur de son mari, quelqu’un pourrait lui répéter ce qu’elle pensait de lui. Quant à sa fille, il devait en faire son deuil.

Elle passa sa soirée à écrire à l’infortuné docteur Meslier, lequel n’avait rien voulu lui révéler non plus sur l’endroit où se cachait le fugitif. Elle annonçait qu’elle retournerait le voir. Elle avait découvert une nouvelle victime. Elle exultait.

Élysée, oubliée, respirait mieux. Elle passa son après-midi dans le cabinet de son père. Son premier contact avec Musset avait laissé dans son âme enfantine quelque chose d’ineffable. Ce fut en palpitant qu’elle reprit son livre, revit les images, relut les vers. Elle en découvrit d’autres qu’elle sentait moins, mais qui la retenaient quand même.

Et quand vint le soir, elle s’aperçut qu’à force de les relire elle savait déjà presque par cœur les passages de Lucie qui l’avaient d’abord attirée.