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Page:Delarue-Mardrus - Le Pain blanc, 1932.djvu/72

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LE PAIN BLANC

Ils passaient déjà leur capote bleue, reprenaient leur bonnet de police.

— Tiens !… dit Max, je vais te donner de la lumière. Ferme d’abord tout, Jacques, sans cela le flic montera.

Comme Élysée le regardait, ahurie :

— Tu ne sais donc pas que les zeppelins existent ?

Les fenêtres hermétiquement bouchées, il tourna le commutateur.

— Voilà ! Et puis tu as les deux bonnes et le valet de chambre dans la maison. Bonsoir !

Effarée, elle les dévisageait. Elle les avait reniés dans son esprit lors de leur visite à l’institution. Ils l’avaient senti sans doute, et lui rendaient la pareille. D’ailleurs, depuis tant de temps qu’elle n’habitait plus avec eux, comment la jugeaient-ils, eux et leur mère ? Quels propos tenaient-ils sur elle tous les trois ? Il lui sembla que la mort qui remplissait la maison était de plusieurs sortes. Elle n’avait plus de famille. Les derniers restes du mauvais nid achevaient de tomber en poussière.

— Alors… Bonsoir !… articula-t-elle d’un air halluciné.

Et, sur un petit geste ironique, ils sortirent du salon sans retourner la tête.

Quand le bruit de leur départ eut cessé, se sentant seule dans la maison, seule sur la terre, elle jeta les yeux autour d’elle avec effroi.

Le désordre du salon était à peu près le même que cinq ans plus tôt. Cependant quelques bibelots qu’elle ne connaissait pas, le piano changé de place, des détails, des riens révélaient toute une vie à laquelle elle n’avait pas assisté.

Pendant cinq ans maman avait respiré parmi ces choses, traîné sur ce parquet son redoutable pas inégal.