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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/101

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Moi absolu est posé comme absolument inconditionné, comme n’étant déterminable par rien de plus haut, et, lorsque cette philosophie développe ses conséquences à partir de ce principe, elle devient la Doctrine de la Science. Au contraire, est dogmatique la philosophie qui égale et oppose quelque chose à ce Moi en soi, et ce quelque chose, elle en trouve la suprême expression dans le concept de la Chose. Le système critique pose la Chose dans le Moi, le système dogmatique le Moi dans la Chose ; posant tout devant le Moi, le système critique est immanent ; tendant à aller au delà du Moi, le système dogmatique est transcendant. Le Spinozisme est la forme la plus conséquente du dogmatisme. Spinoza ne nie pas l’unité de la conscience empirique, mais il nie entièrement la conscience pure. Il cherche au delà du Moi quelque chose qui le fonde ; car, pour lui, le Moi ne peut être que parce que quelque chose d’autre est. De ce quelque chose d’autre, mon moi et aussi tous les « moi » possibles ne sont que des modifications. Sans doute on peut dire qu’il pose en Dieu une conscience pure ; mais c’est une conscience qui n’a pas conscience de soi ; la conscience de soi est pour lui une donnée empirique qui fait partie des modifications de la Divinité. Dès que l’on dépasse le « Je suis », on doit aboutir nécessairement au Spinozisme : même le système leibnizien, poussé jusqu’à son achèvement, n’est pas autre chose que le Spinozisme, et c’est ce qu’a bien montré Maïmon dans son travail sur les Progrès de la Philosophie. Quand on voit le dogmatisme, et tout spécialement le Spinozisme, chercher un fondement au Moi et croire le trouver dans la Chose (dans la Substance), on se demande pourquoi la Chose en soi est pour lui un point