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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/102

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d’arrêt, pourquoi elle ne requiert pas un autre principe pour la fonder, et ainsi de suite. Comment, autrement dit, peut-il donner une valeur absolue à la Chose, après l’avoir refusée au Moi ? Ainsi Spinoza fonde l’unité de la conscience dans une Substance, qui détermine nécessairement cette unité aussi bien dans sa matière que dans sa forme. Mais d’où vient la nécessité en vertu de laquelle la Substance, d’une part, produit les diverses séries de représentations contenues en elle, d’autre part, fait de ces séries un Tout parfait et qui épuise le possible entier ? À cela aucune réponse. Il en est ainsi, parce qu’il en est ainsi, ou plutôt parce qu’il faut supposer quelque chose d’absolument premier, une unité suprême. Mais, s’il voulait une unité de ce genre, pourquoi ne pas en rester à l’unité donnée dans la conscience ? À vrai dire, ce qui le portait à la dépasser, ce n’était pas, comme il le pensait, une exigence de la raison théorique ; c’était une donnée pratique, à savoir le sentiment de la dépendance de notre moi à l’égard d’un Non-Moi qui ne saurait dépendre de notre législation et qui, en ce sens, est libre ; c’était en retour une donnée pratique qui l’obligeait aussi à se fixer, en d’autres termes c’était le sentiment d’une subordination nécessaire, d’une unité de tout le Non-Moi sous les lois pratiques du Moi : unité qui n’est pas l’objet d’un concept exprimant quelque chose qui doit être, et qui doit être produit par nous. C’est donc au fond la Wissenschaftslehre qui dégage et satisfait l’aspiration à laquelle le dogmatisme spinoziste obéit sans réussir à la traduire exactement et à la contenter. L’unité la plus haute dont se contente le Spinozisme, c’est non l’inconditionné, l’infini, c’est celle qui peut fournir seulement la conscience finie, le