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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/116

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saisit exactement dans sa nature le Premier Principe, qui est la Pensée infinie.

Le caractère audacieusement et intégralement rationaliste de la philosophie hégélienne s’exprime bien par la formule fameuse que l’on trouve dans la Préface de la Philosophie du droit. Ce qui est rationnel est réel, ce qui est réel est rationnel. Rien d’un côté ne se produit qui ne soit un terme défini dans la réalisation progressive des formes de la pensée ; d’un autre côté, ce qui est à un certain moment conforme à la pensée doit inévitablement se produire et prendre la place qui lui revient dans l’ordre des choses. — Quels sont les rapports de ce rationalisme avec le rationalisme critique ? — Dès 1802, dans un article du Kritisches Journal der Philosophie, intitulé Glauben und Wissen, Hegel avait marqué ce qui, dans le Kantisme, répugnait à sa conception philosophique et ce qui, au contraire, s’y trouvait plus ou moins conforme. Ce qui y répugnait le plus, c’était ce dualisme du concept et de la réalité, qui avait amené Kant à soutenir que Dieu ne peut être théoriquement démontré ni connu, qui l’avait conduit à accorder à la foi ce qu’il refusait au savoir, et même à subordonner la raison théorique à la raison pratique. C’est dans la critique de l’argument ontologique que le Kantisme manifeste le plus complètement son insuffisance : c’est là que vient jouir le mieux de son triomphe précaire l’entendement borné, qui, posant au point de départ la séparation de l’idée et de la réalité, est bien autorisé à reconnaître ensuite qu’elles ne peuvent se rejoindre. Ce qui a favorisé, au moins du dehors, cette critique de Kant, c’est qu’il a pris l’argument ontologique sous sa pire forme, sous la forme que lui donneraient sans doute