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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/122

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fiance aveugle, de s’être demandé quelle en est la signification et la valeur. Mais le Kantisme a eu tort de faire de la critique une œuvre trop exclusivement préliminaire et extérieure à la connaissance proprement dite. Certes, il est bien vrai que les formes de la pensée sont, elles aussi, des objets de connaissance ; mais, précisément parce qu’elles sont telles, elles ne doivent pas s’isoler du savoir systématique. Avant de connaître, dit Kant, il faut examiner la faculté de connaître. Raisonnement un peu semblable à celui du scolastique qui ne voulait pas se jeter dans l’eau avant d’avoir pleinement appris à nager. La pensée n’a pas à s’examiner indépendamment de son développement et de ses opérations concrètes ; mais c’est en s’exerçant selon la loi qu’elle s’examine ; c’est en produisant ses propres formes qu’elle en découvre le sens et les limites. On ne saurait trop se tenir en garde contre les procédés d’isolement et de séparation dont use si volontiers le Kantisme et qui l’empêchent de saisir l’unité concrète des déterminations diverses.

Ce vice est encore visible dans la doctrine des catégories. Cette doctrine part de l’identité originaire du Moi, de l’unité transcendantale de la conscience de soi. Mais ce Moi, cette unité de la conscience de soi, c’est quelque chose de tout à fait abstrait et indéterminé ; comment aboutir par là aux déterminations particulières des catégories ? On sait comment Kant en a usé : il a emprunté aux classifications de la logique ordinaire la liste des diverses espèces de jugements, et il a fait correspondre aux différentes formes du jugement les différentes catégories de l’entendement. Mais c’est là un procédé empirique, — auquel Fichte heureusement devait renoncer, — un pro-