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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/123

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cédé qui, s’il était légitime, ne servirait qu’à mettre en évidence l’impuissance de la pensée. Car, si la pensée est capable de démontrer quoi que ce soit, si la logique doit exiger qu’on démontre, et si elle veut apprendre à démontrer, il faut qu’elle puisse avant tout démontrer son contenu, en saisir la nécessité. D’autre part, si c’est par les catégories que la simple perception est élevée à la hauteur de l’expérience, elles ne sont pour Kant que des unités de la conscience subjective, qui sont conditionnées par une matière donnée : or il se trouve que cet autre élément de l’expérience est subjectif lui aussi. Comment de deux sortes de subjectivités l’objectivité peut-elle résulter ? Enseigner que les catégories sont des notions vides en elles-mêmes, c’est enseigner une théorie injustifiable, car soutenir que les catégories n’ont pas de contenu sensible leur appartenant, cela ne veut pas dire qu’elles n’aient point de contenu. Au contraire, c’est la réalité de ce contenu qui fait la vérité des catégories, qui permet d’échapper à l’opposition factice du subjectif et de l’objectif, de n’entendre l’en soi que comme une chose étrangère à toute conscience et à toute pensée.

Hegel reconnaît l’importance de la théorie de la raison chez Kant : elle a le grand mérite d’avoir marqué la différence entre l’entendement et la raison, d’avoir assigné au premier le fini et le conditionné, à la seconde l’infini et l’inconditionné ; mais si par là Kant a bien marqué les limites de l’entendement, il s’en est tenu sur l’objet de la raison à des conceptions vagues et négatives : il a réduit l’inconditionné à une identité abstraite et sans différence ; le véritable infini n’est pas un simple au-delà du fini ; c’est