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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/13

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rénovations inépuisables. Dès lors, n’y a-t-il point, en cette fécondité même, la preuve d’une impossibilité d’enfermer en un système clos de concepts cette vie de l’esprit dont la réalisation implique, non une indéfinie mouvance dans l’ordre immanent, mais une croissance vers un Infini réel qui déjà lui est présent et la travaille intimement ?

3. De cette méthode historique, fondée sur des vérités doctrinales, méthode justifiée et confirmée à la fois par la critique spéculative et par l’enchaînement des faits résultant du mouvement total de la civilisation, il ressort que, toujours courtes par quelque endroit, les constructions logiques et les systématisations les plus cohérentes ressemblent plutôt à des échafaudages, indispensables sans doute, mais inévitablement provisoires et susceptibles d’élargissement et d’approfondissement. En philosophie, on ne peut être vraiment historien qu’en s’immisçant à l’effort perpétuel de croissance par rénovation ou par redressement et complément des problèmes, des perspectives ouvertes, des solutions qui ne sont jamais closes. Assurément, il subsiste des vérités stables, des certitudes primitives et nécessaires, mais cette tradition même est plutôt une orientation fixe dans la recherche, la défense ou l’enrichissement d’une philosophia perennis qu’un littéralisme matériellement accru comme par la juxtaposition de cristaux.

C’est ainsi que les surprises et les révélations de la Grande Guerre ont pu en même temps fortifler et corriger les vues et les pressentiments dont Victor Delbos donnait l’émouvant témoignage durant les mois qui précédèrent sa fin brusquée et prématurée. On ne peut dire assez la souffrance