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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/14

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qu’il ressentit des trahisons d’une culture qui se révéla si perfidement inhumaine, des angoisses chaque jour renouvelées, des pertes cruelles infligées à « notre héroïque jeunesse » ; il ne se consolait pas de voir disparaître l’élite de ses chers étudiants qu’il aimait et suivait avec une paternelle sollicitude. Aussi, sans rien renier de ses sereines études sur Spinoza, Kant, les postkantiens, il apercevait en une lumière nouvelle les lacunes, les déviations contre lesquelles sa probité et sa raison protestaient, mais avec l’espoir d’un retour à l’estime des valeurs spirituelles.

Retenons d’abord dans ses lettres intimes les dispositions de haute impartialité auxquelles il demeurait d’autant plus fidèle qu’il souffrait davantage soit de certaines déceptions personnelles, soit du spectacle de passions tardivement éveillées et abusivement injurieuses ou incompréhensives. Il était peiné du retournement des éloges excessifs en violences imméritées de langage chez des écrivains qui, méconnaissant leurs illusions du passé récent, croyaient les réparer, se les faire pardonner ou se faire illusion à eux-mêmes en prodiguant les termes et les sentiments auxquels cependant la grande masse du peuple généreux de France répugnait dans la gravité de ses souffrances et de ses espoirs. Il cherchait donc toujours à discerner dans les erreurs commises de part et d’autre les vérités salutaires à remettre en valeur, mais aussi il tenait d’autant plus à dénoncer l’origine des déviations, à nous détourner des sources empoisonnées où s’étaient abreuvés tant d’esprits contemporains. Il se rendait compte ainsi des raisons secrètes qui lui avaient fait de plus en plus éprouver un malaise spirituel au contact prolongé de thèses spécieuses, de doc-