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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/140

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conception. Si Kant en est venu à formuler comme l’on sait le problème capital de la Critique de la Raison pure, c’est pour avoir pris dès l’abord conscience de l’opposition du pur logique et du réel, et pour s’être acheminé, par des voies au premier moment assez détournées, vers l’idée d’une fonction de la raison qui la rendrait capable de comprendre la réalité connaissable en lui imposant sa loi. La possibilité de jugements synthétiques a priori, c’est, en d’autres termes, la possibilité de jugements tels qu’ils ne se bornent pas à éclaircir des notions autrement données, mais qu’ils lient entre elles, et par un lien objectif, des notions qui isolément ne sont pas impliquées les unes dans les autres. À la vérité, ce que Kant répète si volontiers des jugements de ce genre, — à savoir qu’ils accroissent et étendent notre connaissance, — marque bien la puissance positive qu’il leur confère, et cette puissance pourrait paraître illimitée, dans le sens même où ses successeurs l’admettront, s’il n’avait pas admis une restriction très significative, immanente à sa définition de ces jugements. Ce qui constitue, du moins au point de vue théorique, la synthèse, c’est que les deux termes du jugement sont liés au moyen d’un terme intermédiaire fourni par l’intuition sensible : c’est ainsi que le principe de causalité, selon lequel tout ce qui arrive suppose quelque chose à quoi il succède d’après une règle, implique l’intuition du temps et la faculté de saisir dans le temps les phénomènes qui s’y succèdent. — De la sorte, chez Kant, la notion de synthèse exprime moins une action originaire de l’esprit qu’un rapport entre l’entendement et l’intuition : au point même que, pour Kant, l’unité de l’aperception est en elle-même purement ana-