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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/147

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même quand elle affecte des formes rigoureuses, se satisfait surtout par sa merveilleuse facilité d’invention, qu’elle reste poétique et intuitive là même où elle s’efforce d’être démonstrative. Aussi ne peut-on pas dire que Schelling ait intégré en lui la méthode de Fichte au point qu’il eût fallu soit pour en approfondir le sens, soit pour en renouveler ou en établir plus exactement les procédés. Il l’a reprise simplement, et il en a étendu l’application, par cela même qu’il ajoutait d’abord la philosophie de la Nature à la philosophie du Moi, et qu’il exposait ensuite consciemment le système de l’identité ; mais, par cela seul aussi, il préparait l’extension plus originale et les transformations profondes que Hegel devait donner à la méthode de Fichte.

On ne saurait, sans risque de confusion, s’efforcer de démêler, dans leur succession, les usages que fait Schelling d’une méthode dialectique ; nous nous bornerons à signaler ce que ces usages ont de plus caractéristique. Ces usages sont d’abord liés à la constitution d’une philosophie de la Nature. Pourquoi et comment une philosophie de la Nature est-elle possible ?

On ne sait vraiment une chose, remarque Schelling, que lorsqu’on saisit les principes qui en fondent la possibilité. Je ne sais pas ce qu’est une machine dont la construction me reste inconnue, je me borne à l’avoir sous les yeux, et c’est tout. Au contraire, l’inventeur de la machine en possède la science la plus parfaite, parce qu’il est comme l’âme de cette œuvre, parce que cette œuvre a préexisté dans son cerveau avant de se manifester dans la réalité. De même nous ne pouvons connaître véritablement la nature qu’à la condition de ne pas nous borner à la contem-