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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/148

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pler dans sa réalité objective plus ou moins fixée, qu’à la condition d’en pénétrer la construction intime. Cependant la nature comme sujet, la nature productive, natura naturans, ne s’offre pas à notre regard : elle est comme dissimulée dans ses productions, et, pour savoir comment elle se comporte, nous devons avoir recours à l’expérience. Toute expérience est une question que nous posons à la nature, et à laquelle la nature est forcée de répondre. Or toute question contient enveloppé un jugement a priori ; toute expérience, qui est expérience, est une prophétie, et la méthode expérimentale elle-même est une production de phénomènes. Le premier pas vers la science dans la physique, c’est de commencer à produire les objets de cette science. Cependant la construction au moyen de l’expérience n’est pas une production absolue. Sans doute, dans la science ordinaire de la nature, bien des propositions s’établissent comparativement a priori ; elles se déduisent directement d’une loi et elles énoncent par avance ce que l’expérience particulière confirmera. Mais cela même suppose que tous les phénomènes sont compris dans une loi nécessaire et absolue, que, dans la science de la nature, tout ce que l’on sait bien, on le sait a priori. Or à un tel savoir l’expérience ne peut conduire, puisque l’expérience ne peut dépasser les forces naturelles dont elle se sert comme de moyens. Dès lors, puisque les causes suprêmes des phénomènes de la nature ne nous apparaissent pas, il faut, si nous ne voulons pas renoncer à les saisir, que nous les posions, que nous les introduisions dans la nature même. En procédant ainsi, il semble bien que nous ne fassions qu’une hypothèse et que le caractère hypothétique de