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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/150

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parce que c’est la nature elle-même qui est a priori. Étant donné que la nature est un tout organique, c’est l’organisation qui est le principe souverain d’explication, et non les matériaux qu’elle emploie. Le tout préexiste aux parties et en rend raison, loin de devoir être expliqué par elles. C’est, autrement dit, parce que la nature est productive, et en tant qu’elle l’est, qu’il y a d’elle une connaissance spéculative possible. (Voir Einleitung zu dem Entwurf eines Systems der Naturphilosophie, 1799, {{lang|de|S. W., Bd. III, pp. 275-280.)

Qu’est-ce que la nature et comment la nature est-elle possible ? Telle est donc la question qui, dans l’esprit de Schelling, remplace la question que se posait Kant : Qu’est-ce que la connaissance et comment est-elle possible ? — la question que se posait Fichte : Qu’est-ce que la conscience de soi et comment est-elle possible ? Or il y a deux conditions constitutives de la nature : la nature est en même temps productive et connaissable. Il faut que cette conception de la nature respecte cette double condition. Supposons que l’activité productrice de la nature se répande immédiatement tout entière ; elle se manifestera alors par une évolution d’une vitesse infinie, et elle n’offrira rien de saisissable à l’intuition ; elle ne pourra pas être connue, ce qui répugne à son concept. Mais supposons, d’autre part, que cette activité s’épuise en un produit qui l’arrête à jamais ; alors elle cessera d’être infinie, elle cessera d’être productivité pour n’être plus qu’un acte ou qu’un état fini. Il nous faut donc admettre que, ne pouvant être ni pure productivité dans un devenir insaisissable, ni pur produit figé, la nature a, à chaque moment, sa productivité limi-