Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/154

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rigueur aux idées spéculatives qu’il s’était déjà faites et qu’il avait déjà présentées sur la nature. Et ce qui permettait l’emploi de cette méthode, c’était que la nature n’était plus conçue seulement comme objet, — comme l’objet de l’esprit, — mais essentiellement comme sujet, par conséquent comme pourvue de cette faculté de production que Fichte attribuait au Moi[1]. De plus, cette méthode même était faite pour autre chose que représenter extérieurement la productivité de la nature, mais pour la suivre en y participant : d’où la formule audacieuse de Schelling, si souvent retournée depuis contre son entreprise : « Ueber die Natur philosophiren heisst die Natur schaffen ». (Erster Entwurf eines Systems der Naturphilosophie, 1799, Bd. III, p. 13.) Au fond, cette formule signifie surtout la nécessité pour la philosophie de la nature d’être adéquate au dynamisme de la nature même ; ce qui, dans la nature, apparaît comme chose, ce que l’on nomme matière ou atome, est en réalité un produit de forces. La « Philosophie de la Nature » exige le même effort que la Doctrine de la Science pour s’élever au-dessus et se mettre même à l’encontre des conceptions communes. Ce qui apparaît comme existant, comme étant, est un effet de l’action. Et, d’autre part, il n’y a action, action concrète et efficace que là où il y a opposition, opposition susceptible d’être renouvelée

  1. « Le philosophe de la Nature traite la Nature comme le philosophe transcendantal traite le Moi. La nature même est donc pour lui un inconditionné. Mais cela n’est pas possible, si nous partons de l’être objectif dans la Nature. L’être objectif est dans la philosophie de la Nature aussi peu quelque chose d’originaire que dans la philosophie transcendantale. » (Erster Entwurf, III, p. 12, note.)