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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/163

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connu qu’à Fichte appartenait le mérite d’avoir le premier conçu la méthode philosophique qui convient. Nous savons, en effet, qu’à la démarche par thèse, antithèse et synthèse était liée l’idée de contradictions dans le moi, et que c’était de là que la Doctrine de la science partait pour construire le développement de la conscience. Et cette conception s’était étendue, — chez les contemporains ou disciples plus ou moins fidèles de Fichte, — du moi à toutes les choses qui étaient censées les produits du moi. La Philosophie de la nature, avec sa doctrine de la polarité, opérait, aussi bien que le Système de l’idéalisme transcendantal, dans cette direction. Les romantiques, Novalis, Frédéric Schlegel, énonçaient sous des formes diverses l’idée que la vie est incompréhensible par la Logique ordinaire, que toute vie est fondée sur des contradictions. Même Frédéric Schlegel, dans ses leçons de 1804-1806 (qui ne furent d’ailleurs publiées qu’en 1836-1837), ne se bornait pas à prendre les oppositions du réel comme des faits donnés incompatibles avec la Logique ; il essayait de montrer, dans la forme logique de la négation, une contradiction réelle engendrée par le développement d’une thèse première. Mais, nous l’avons déjà montré à propos de Fichte, c’est le Kantisme même qui, malgré des restrictions diverses, préparait la conception de cette méthode de construction a priori, et Hegel l’a, à maintes reprises, expressément reconnu.

C’est le grand mérite de Kant que d’avoir saisi la pensée comme concrète en soi, comme ayant une faculté spontanée de production et de détermination de soi qui l’élève au-dessus des procédés purement analytiques, et cela s’exprime par sa doctrine des jugements synthétiques a priori.