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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/184

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pace par les autres, ce que nous appelons situation, et la détermination de tout moment du temps par les moments antérieurs, ce que nous appelons succession, constituant des rapports analogues à la relation causale, — d’autre part, que le principe de raison suffisante ne s’applique qu’aux rapports entre objets et jamais au sujet, que la causalité même ne signifie que des changements réguliers d’état et ne porte sur rien qui soit une substance. (Die Welt, II, p. 57.)

Les propriétés essentielles de la matière dérivent des formes a priori de l’intellect, on peut dire que c’est l’intellect qui constitue la matière. Et là-dessus Schopenhauer corrige à fond l’idée que Kant s’est faite des fonctions respectives de la sensibilité et de l’entendement. La première manifestation de l’entendement, celle qui s’exerce toujours, c’est l’intuition du monde réel ; or, cet acte de la pensée consiste uniquement à connaître l’effet par la cause ; aussi c’est l’entendement qui est intuitif, non la sensibilité ; toute intuition est intellectuelle. Les sens ne donnent que la sensation, qui n’est pas encore l’intuition ; ils nous font sentir l’action éprouvée par un corps organisé ; ces modifications de notre corps sont rapportées par l’intellect à leurs causes, et c’est ainsi qu’on a l’intuition de ces dernières comme objets. Cette opération n’est aucunement une conclusion tirée de données abstraites, pas plus qu’un produit de la réflexion ou de la volonté ; c’est un acte de l’entendement pur, faute duquel il n’y aurait qu’une conscience sourde et comme végétative des modifications de l’objet immédiat. C’est seulement lorsque l’entendement a rattaché l’effet à la cause que le monde apparaît, étendu comme intuition dans l’espace, changeant dans la forme, perma-