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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/185

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nent et éternel en tant que matière. (Die Welt, I, pp. 43-45 ; II, pp. 28 sq.)

Voilà donc comment, pour Schopenhauer, le monde est une représentation. C’est sans doute en principe la théorie de Kant ; cependant elle n’est pas seulement corrigée sur les points que nous avons dits : elle reçoit, de par une autre tendance de Schopenhauer, une correction plus profonde. Kant entendait affirmer solidement la réalité empirique du monde ; bien que parfois Schopenhauer élève la même prétention, il pousse la phénoménalité du monde dans un sens plus voisin de l’apparence, du rêve et de l’illusion. Non seulement il donne à la conception kantienne du monde sensible une signification qui le rapproche du Platonisme, mais il invoque volontiers la Maya de la sagesse indoue, — le voile de l’illusion, qui recouvre les yeux des mortels, leur fait voir un monde dont on ne peut dire s’il est ou s’il n’est pas, un monde qui ressemble au rêve, au rayonnement du soleil sur le sable. (Die Welt, I, pp. 38-39, 247, 250, 536 ; II, p. 10.) Il y a là un élément pessimiste qui s’introduit directement au cœur de la doctrine de la connaissance.

Le monde est ma représentation : ce n’est là qu’une moitié de la vérité, et le genre humain a une répugnance naturelle à voir là la vérité complète ; et ce n’est, en effet, qu’une abstraction ; — l’autre face de la vérité, moins évidente, mais tout aussi sûre, est : le monde est volonté. (Die Welt, I, pp. 34-35.)

Le monde comme volonté, c’est le monde comme Chose en soi ; et certes, à côté de la distinction de la Chose en soi et du phénomène, Kant paraît bien fournir, par l’idée du primat de la raison pratique et de la volonté qui est un autre nom