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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/186

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de cette raison, le thème profond de la doctrine de Schopenhauer. Cependant, chez Schopenhauer, ce n’est pas en tant que distincte de l’entendement que la raison pourrait opérer le passage de la chose en soi théoriquement indéterminable à la chose en soi pratiquement déterminée comme volonté : car il critique vivement la théorie kantienne de la raison, et repousse catégoriquement l’idée de raison pratique, — et il ne voit pour son compte dans la raison que la faculté de la connaissance abstraite opposée à la faculté de connaissance intuitive qu’est l’entendement (Voir Die Welt, I, pp. 94 sq.), et la volonté dont il fait la chose en soi est loin d’être spécifiquement morale, et est même irrationnelle.

C’est par une autre voie que Schopenhauer détermine comme volonté la réalité en soi du monde. Cette réalité serait évidemment inaccessible si le philosophe n’était que le pur sujet connaissant, une tête d’ange ailée sans corps. Mais, en tant qu’individu, il fait partie du monde ; la connaissance, par laquelle est rendue possible la représentation du monde entier, a pour condition nécessaire l’existence d’un corps dont les modifications, nous l’avons vu, sont le point de départ de l’entendement pour l’intuition de ce monde. En d’autres termes, au sujet son corps est donné de deux façons : d’un côté il est une représentation comme les autres, un objet comme les autres ; et, d’un autre, il est manifestation immédiate d’un principe interne, qui est la volonté. Tout acte de volonté est un mouvement de notre corps ; l’acte de volonté et l’action du corps ne sont pas deux phénomènes objectifs différents reliés par la causalité ; ils ne sont pas entre eux dans le rapport de cause à effet ; ils ne sont qu’un