Aller au contenu

Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/189

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est affranchie de deux formes inhérentes à la connaissance externe, à savoir de la forme de l’espace et de la forme de la causalité, médiatrices de toute intuition sensible. Ce qui demeure, c’est la forme du temps qui est cause que notre volonté ne se saisit que dans des actes isolés et successifs, non dans son Tout. Aussi, si dans cette conscience intérieure la Chose en soi s’est débarrassée de beaucoup de ses voiles, elle ne se manifeste pas pourtant toute nue et entièrement telle qu’elle est. (Die Welt, II, pp. 221 sq.)

Comme Chose en soi, la volonté est une, et Schopenhauer n’hésite pas à ranger sa doctrine parmi celles qui proclament l’ἕν καὶ πᾶν. La volonté est une, parce qu’est un tout ce qui est en dehors de l’espace et du temps, lesquels seuls sont des conditions de pluralité et des principes d’individuation. (Die Welt, I, pp. 166, 184.) En cela, Schopenhauer se rapproche du panthéisme des philosophes post-kantiens ; mais il en reste à d’autres égards éloigné, non seulement parce qu’il écarte rigoureusement de son panthéisme la forme théologique que donnaient au leur Schelling et Hegel, — non seulement encore parce qu’il se refuse à admettre dans le Principe un toute tendance à la dualité ou à l’opposition, et parce qu’il manifeste la plus vive répugnance pour la métaphysique du devenir et du développement (Die Welt, I, pp. 357 sq.) ; mais encore parce qu’il conçoit la volonté primitive comme aveugle et irrationnelle (unvernünftig, grundlos.) — Peut-être, cependant, au sein de l’opposition radicale qu’il y a entre Schopenhauer et son grand adversaire Hegel, y a-t-il une notion commune : c’est la négativité, la contradiction qui, chez Hegel, met le monde en mouvement ; c’est par une déter-