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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/195

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Autant d’apparences, suivant une formule dont Herbart use volontiers, autant d’invites à poser l’Être. Wie viel Schein, so viel Hindeutung aufs Sein. (Hauptpunkte der Metaphysik, Vorfragen, I, p. 14. — Allgemeine Metaphysik, t. II, § 199.)

Ainsi toute philosophie théorique doit prendre son point de départ dans le phénomène et l’expérience ; mais elle ne doit pas y rester attachée. Sans cela, elle ne serait qu’une Physique ; elle ne serait point une Métaphysique. Il est vrai que l’on peut prétendre que la Métaphysique a été rendue impossible par la Critique de Kant ; mais la Critique a été une œuvre de réforme plutôt qu’une œuvre de destruction, et dans le fait elle a stimulé plus qu’elle n’a paralysé l’élan métaphysique. Disons cependant que Kant a parfois rendu très malaisé l’accès à la Métaphysique telle qu’il faut l’entendre. En considérant, par exemple, qu’il n’y a de donné que les sensations, comme matière de la connaissance, — en faisant s’y surajouter d’ailleurs les intuitions formelles de l’espace et du temps, — en chargeant l’imagination transcendantale de la production des objets, il n’a pas pris garde, — et en cela les kantiens l’ont imité, — que ce qui est donné, c’est un ensemble complexe de sensations, avec des formes déterminées. La contrainte que nous ressentons, lorsque nous essayons de modifier la forme d’un objet que nous nous représentons, — l’impossibilité où nous sommes, par exemple, de nous représenter une table ronde autrement que ronde, — tout cela nous avertit que le donné de l’expérience comprend la forme aussi bien que la matière. En outre, où l’on constate bien l’insuccès d’une entreprise comme celle de Kant et de Fichte, qui vise à placer les formes de l’expé-