Aller au contenu

Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/199

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

raison ne saurait-elle comporter aucune détermination quantitative, sans courir plus gravement le même risque. Enfin l’être ne saurait changer ; car ce qui change, c’est ce qui reçoit une autre qualité ; ce qui reçoit une autre qualité est une autre chose ; le changement spontané aussi bien que le changement dû aux causes extérieures est aussi incompatible avec la nature de l’être que la pluralité des caractères : ce sont là des déterminations qui ne peuvent point se rapporter à l’être, mais uniquement à son phénomène.

Mais ces déterminations mêmes, et dans les limites mêmes où nous venons de les enfermer, comment sont-elles possibles ? C’est le cas, ou jamais, d’appliquer la méthode des rapports ; or cette application, nous l’avons vu, comporte la résolution d’un terme pris comme un dans une multiplicité. Ici donc nous devons supposer que l’unité absolue de l’être n’empêche pas d’admettre la pluralité des êtres, et nous le pouvons sans contradiction, car la multiplicité dans l’être n’est point la multiplicité de l’être. (Vielheit im Seienden ist nicht Vielheit des Seienden.Allgemeine Metaphysik, § 208.) Ainsi une pluralité d’êtres réels, en soi simples et immuables, produisent, dans et par leur ensemble, ce que l’on ne saurait attribuer à chacun d’eux pris isolément sans tomber dans des contradictions de toutes sortes. Au reste, cette pluralité, si grande qu’elle soit, ne saurait être infinie, car l’infini ne comporte aucune absolue position. La représentation d’une chose pourvue de plusieurs propriétés, d’une substance constituée par plusieurs attributs, se produit lorsque sont données différentes séries d’êtres réels qui ont un même point de départ : c’est ce commun point de départ qui apparaît