Aller au contenu

Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/27

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Or les grands continuateurs de Kant sont des Métaphysiciens, jusqu’au point extrême où l’on peut courir l’aventure ou porter l’intempérance métaphysique. L’œuvre de la Critique était-elle donc si caduque qu’elle ait pu être si brusquement ruinée ?

Mais, contre cette première représentation superficielle des choses, nous savons que si Kant a proscrit une certaine Métaphysique, il n’a pas proscrit toute Métaphysique, puisque aussi bien il a publié les Prolégomènes, les Premiers principes métaphysiques de la science de la nature, les Fondements de la Métaphysique des mœurs, et la Métaphysique des mœurs. S’il eût voulu simplement enterrer à jamais la Métaphysique, il n’avait pas besoin pour cela de la tuer méthodiquement ; il n’avait qu’à la laisser achever elle-même de sombrer dans cette indifférence qui était devenue générale de son temps, et qu’il constate dans la préface de la Critique : « Maintenant, il est de bon ton pour notre époque de témoigner à la Métaphysique tout son mépris, et la noble dame, repoussée et délaissée, se lamente comme Hécube.

…modo maxima rerum
tot generis natisque potens
nunc trahor exul, inops.

Ovide, Métamorphoses.
(Kants Schriften, I, 4 ; p. 7-8.)

Mais, à la vérité, l’intention de la Critique était, en même temps que de ruiner à fond une espèce de Métaphysique, d’établir les fondements d’une autre, capable d’échapper à l’incertitude et aux contradictions qui avaient miné la première. Il nous faut donc tâcher de définir dans quelle me-