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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/53

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tablement plus grandes, Salomon Maïmon, qui s’appelait volontiers, par rapport à Kant — dogmatique critique, selon lui, — un sceptique critique, s’en prend lui aussi à la chose en soi et tend à l’éliminer en l’interprétant. Dans son Versuch über die Transcendentale Philosophie (1790), il tente d’expliquer le sens de ce mot « donné » que Kant emploie si volontiers pour désigner la matière de l’intuition ; ce mot « donné » ne doit pas signifier quelque chose en nous, qui a une cause hors de nous. Rien n’est moins fondé qu’un raisonnement concluant à une cause non perçue ; et comment admettre la Chose en soi comme une cause, puisque ici le schème du temps fait défaut ? « Donné » signifie plutôt une représentation dont l’origine et le mode d’apparition nous échappent, quelque chose dont nous avons une conscience imparfaite. Mais cette imperfection de la conscience peut être marquée par une série de degrés qui vont de la conscience nettement déterminée jusqu’au néant de conscience ; par conséquent, le donné pur et simple, c’est uniquement l’idée de la limite de cette série dont nous pouvons nous approcher toujours comme d’une racine irrationnelle, mais sans pouvoir jamais l’atteindre (pp. 161 et suiv., 203, 419). Ainsi Maïmon restaure, pour expliquer la présence de l’objet que nous n’avons pas conscience de produire, la conception leibnizienne d’une activité spirituelle agissant antérieurement à la conscience claire : conception qui s’intégrera dans la philosophie de Fichte et de Schelling. — D’après les Streifereien (Excursions) im Gebiete der Philosophie (1793), la chose en soi est un néant d’être (Unding), une chimère que Reinhold n’a maintenue que par fidélité au dogmatisme sur ce point (pp. 217,