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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/66

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tir une forme systématique (op. cit., pp. 94, 114 sq., 122 sq., 142-144).

Cette idée de convertir la philosophie critique en un système pour lui donner à la fois la plus grande extension et la plus complète certitude, Fichte à son tour se l’approprie et tend à l’exprimer avec plus de profondeur à la fois et de rigueur.

Dans une lettre à Stephani, où Fichte raconte comment l’Énésidème l’a pendant un temps déconcerté, a renversé en lui Reinhold, lui a rendu Kant suspect et démoli de fond en comble son propre système, il déclare que ce système va être toutefois bientôt rebâti, et il ajoute : « J’ai découvert un nouveau fondement sur lequel l’ensemble de la philosophie se laisse très aisément élever. D’une façon générale, Kant possède la philosophie vraie, mais seulement dans ses résultats, non dans les principes capables de la fonder. Ce penseur unique m’apparaît toujours plus admirable ; il a, ce me semble, un génie qui lui révèle la vérité sans lui en montrer les raisons. Bref, nous aurons, je crois, dans une couple d’années une philosophie qui le dispute en évidence à la géométrie » (Fichte’s Leben und litterarischer Briefwechsel, 2e édit., t. II, pp. 511-512). Pareillement dans une lettre à Niethammer du 6 octobre 1793 : « Selon ma conviction intime, Kant n’a fait qu’indiquer la vérité : il ne l’a ni exposée ni démontrée. Cet homme unique et merveilleux, ou bien possède une faculté de divination de la vérité sans avoir conscience des raisons qui la fondent, ou bien n’a pas estimé son siècle assez haut pour les lui communiquer, ou bien a craint d’attirer sur lui pendant sa vie la vénération surhumaine qui pourtant devait tôt ou tard lui échoir… » (Ibid.,