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Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/182

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sans les développements psychologiques et, au théâtre, il n’y en a pas et il ne peut pas y en avoir ! Puis, sur les planches, je ne trouve pas le champ à de profondes et intimes études de mœurs, je n’y rencontre que le terrain propre à de jolis croquetons parisiens, à de spirituels et courants crayonnages à la Meilhac-Halévy ; mais pour une recherche un peu aiguë, pour une dissection poussée à l’extrême, pour la recréation de vrais et d’illogiques vivants, je ne vois que le roman…

« Et voilà comme quoi je ne crois pas au rajeunissement, à la revivification du théâtre, et comme quoi j’ai des idées particulières sur son compte. Qu’on ne me prête pas du dépit, de la mauvaise humeur, le sentiment bas et rancunier d’un homme qui ne veut pas que les autres réussissent là où il a échoué… Regardant et jugeant ce qui se passe, le théâtre m’apparaît comme bien malade, comme moribond même… L’art théâtral, le grand art français du passé, l’art de Corneille, de Racine, de Molière et de Beaumarchais, est destiné, dans une cinquantaine d’années, tout au plus, à devenir une grossière distraction, n’ayant plus rien de commun avec l’écriture, le style, le bel esprit, quelque chose digne de prendre place entre des exercices de chiens savants et une exhibition de marionnettes à tirades.

« Dans cinquante ans, le livre aura tué le théâtre ! »

Sur quelques points de ce manifeste, le temps a sensiblement modifié les appréciations de M. Edmond de Goncourt. Avec une pleine honnêteté intellectuelle, il a lui-même fait ressortir les dissidences entre ses idées de 1879 et celles que nous trouverons exprimées, plus loin, dans les préfaces de Germinie Lacerteux transportée au théâtre, en 1888.