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Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/344

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auteurs de ces deux romans ont choisi… Nous avons commencé, nous, par la canaille, parce que la femme et l’homme du peuple, plus rapprochés de la nature et de la sauvagerie, sont des créatures simples et peu compliquées, tandis que le Parisien et la Parisienne de la société, ces civilisés excessifs dont l’originalité tranchée est faite toute de nuances, toute de demi-teintes, toute de ces riens insaisissables, pareils aux riens coquets et neutres avec lesquels se façonne le caractère d’une toilette distinguée de femme, demandent des années pour qu’on les perce, pour qu’on les sache, pour qu’on les attrape, — et le romancier du plus grand génie, croyez-le bien, ne les devinera jamais, ces gens de salon, avec des racontars d’amis qui vont pour lui à la découverte dans le monde…

« Cette préface a pour but de dire aux jeunes que le succès du réalisme est là, seulement là, et non plus dans le canaille littéraire, épuisé à l’heure qu’il est par leurs devanciers. »

Un roman naturaliste fait des élégances et des complications du grand monde, M. Edmond de Goncourt, après de longues hésitations, l’a écrit. C’est Chérie qui paraît devoir être sa dernière œuvre d’imagination, en tête de laquelle il a pris congé de ses lecteurs auxquels il livrait, au surplus, un testament littéraire. Résumé attristant de la vie de son frère et de la sienne, de la portée de leur œuvre commune, « cri d’amertume et d’orgueil » — lui-même l’affirme — dans une lettre inédite qu’il écrivait alors à M. Alphonse Daudet :

18 février 1884.

À mercredi, hein, mon petit, si possible… Je suis content comme un homme qui s’est décidé à se faire arracher une dent qui lui faisait mal. Je viens d’écrire en tête de Chérie, une préface pleine d’amertume et d’orgueil, une préface que je