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Page:Des Monts - Les Legendes des Pyrenees 3e, 1876.djvu/199

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défilèrent longuement sur la rampe et s’enfoncèrent sous le porche obscur.

Bos courut à la porte du château ; mais on le renvoya en lui disant : « Bonhomme, reviens à midi, tu auras l’aumône avec les autres. »

Bos s’assit sur une roche, tourmenté de colère et de douleur. Il entendait dans le château des fanfares de trompettes et le bruit des réjouissances. Un autre allait lui prendre sa femme et son bien ; il serrait les poings et roulait des pensées de meurtre ; mais il n’avait pas d’armes ; il prit patience, comme il avait fait tant de fois chez les Sarrasins, et attendit.

Tous les pauvres du voisinage s’assemblèrent, et Bos se mit avec eux. Il n’était pas humble comme le bon roi saint Louis, qui lavait les pieds des mendiants ; il eut grande honte de marcher parmi ces porte-besaces, contrefaits, goitreux, aux jambes torses, aux dos voûtés, mal couverts de méchantes capes rapiécées et trouées, et de guenilles en loques ; mais il eut bien plus de honte encore, lorsqu’en passant sur le fossé plein d’eau claire il vit sa figure brûlée, ses cheveux hérissés comme le poil d’une bête fauve, ses yeux sauvages, tout son corps maigri ; puis il pensa qu’il n’avait pour vêtement qu’un sac déchiré et la peau d’une grande chèvre, et qu’il était plus hideux que