Aller au contenu

Page:Des Monts - Les Legendes des Pyrenees 3e, 1876.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rieur, ce qu’on parvint à savoir depuis, je ne sais trop au juste comment.

À quinze ans, sa famille l’avait fiancé à une jeune fille dont la maison paternelle touchait presque à la sienne. — Dans les provinces méridionales c’est, en effet, une coutume encore en vigueur que d’allumer si tôt le flambeau des fiançailles, qui devient parfois une torche funéraire. — Était-ce donc l’amour qu’entrevoyaient ces deux enfants dans leurs rêves de quinze ans ? Non. Ils s’aimaient tout simplement de cette affection douce, égale, tendre, sans passion, qui est à l’amour ce que l’aurore est au midi. Ignorants de ces choses divines que toute langue humaine ne sait trouver qu’à une certaine heure de la vie et qu’ils ne commençaient même pas à épeler, les mots seuls de l’amitié accouraient sur leurs lèvres et c’était l’amitié seule qui grandissait avec eux.

Mais quand arriva l’âge où les sens s’allument, où l’imagination voit s’entr’ouvrir devant elle les portes dorées de tout un monde de chimères, le jeune homme comprit qu’il y avait place dans sa large poitrine pour une affection plus vaste. Deux regards magnétiques versèrent dans son sein le feu de la passion ; mais ces deux regards n’étaient pas ceux de sa jeune compagne ; non pas qu’il ne l’aimât plus ; au contraire, il l’aimait toujours, mais