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Page:Des Monts - Les Legendes des Pyrenees 3e, 1876.djvu/230

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cédé aux empiétements de la civilisation moderne, la vallée veuille se hâter de reprendre au plus vite ses âpres et rudes allures. Seuls, dans tout le grandiose et immobile panorama déroulé sous vos yeux, les nuages qui courent au ciel, rapides et heurtés, conservent de l’animation et de la vie !… Aussi, tout en les regardant s’enfuir vers d’autres pays, emportés par le souffle impétueux d’un vent d’orage, se surprend-on parfois à envier leur sort, tant elles vous pèsent sur la poitrine et vous étouffent presque, ces gigantesques barrières qui ne vous laissent entrevoir qu’un petit coin du ciel. Le spectacle a beau être sublime d’horreur ou de majesté, à ce moment vous le donneriez mille fois pour quelque grande plaine bien misérable et bien monotone où il vous fût permis de respirer à l’aise !

Nulle part, selon moi, vous ne ressentez mieux cette douloureuse et poignante impression qu’en présence de l’horrible montagne noire qui se dresse comme le squelette décharné d’un colosse, vis-à vis des ruines où se serait, au dire de la légende, déroulé le drame qu’elle nous a transmis. Quand le ciel est brumeux, l’atmosphère épaisse, le jour glauque et sombre, toutes ces arêtes tourmentées, pendantes, déchirées, qu’une mousse jaunâtre recouvre à de rares endroits de ses plaques lépreuses, ont un hideux et navrant aspect. Ces blocs