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Page:Des Monts - Les Legendes des Pyrenees 3e, 1876.djvu/232

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ce monde — ils étaient si jeunes tous deux ! — qu’un rien suffit pour détruire à jamais cette factice chimère qu’on nomme le bonheur. « Gare au ver qui se cache dans le plus beau fruit ! » dit le proverbe Euskarien : et le proverbe n’a que trop souvent raison.

De grandes fêtes ayant amené à la cour de Navarre toute la plus haute noblesse du pays, le comte de Givrion s’y rendit à son tour avec sa jeune compagne, dont la remarquable beauté et le noble maintien soulevèrent l’admiration générale. Ce fut à qui des jeunes et élégants seigneurs, accourus en foule, se ferait écouter de la belle châtelaine ; mais, hélas ! bien inutiles furent leurs soins. La comtesse adorait trop son bel époux pour ne pas rester insensible à toutes leurs paroles d’amour ; seulement l’extrême indifférence dont ce dernier fit preuve, en présence des assiduités sans nombre dont elle était l’objet, ne laissa pas que de l’affliger profondément. Comme il semblait impossible à son âme de feu d’aimer véritablement sans qu’au moindre éveil les dents de feu de la jalousie vinssent vous mordre en plein cœur, la terrible pensée que son époux, peut-être, lui était moins attaché la saisit tout à coup, mais rien ne vint justifier ses craintes… Ce ne fut qu’une fois les fêtes terminées et les préparatifs de départ entièrement achevés,