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Page:Des Monts - Les Legendes des Pyrenees 3e, 1876.djvu/233

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que le subit désir de prolonger son séjour à Pau, dissimulé par le comte sous le voile du plus insignifiant prétexte, vint raviver ses doutes et torturer nuit et jour sa soupçonneuse imagination, prompte à se créer des chagrins.

Elle l’épia, le fit suivre partout, et finit par acquérir l’horrible certitude qu’elle en était outrageusement trompée. Un soir qu’elle marchait sur ses traces, à la faveur d’un déguisement, elle le vit faire des signes d’intelligence à une toute jeune fille très-simplement vêtue, mais d’une idéale et fière beauté.

Ce fut pour elle un arrêt de mort.

La seule pensée qu’elle n’occupait plus que le second rang dans le cœur de son époux lui donna de mortels frissons. Elle regarda dans l’avenir ; il lui fit peur tant il lui apparut sombre et désert. Devant elle se levait un morne horizon où ne grondaient que des vents funèbres, où passaient de noirs nuages, où tombaient des pluies froides qui la pénétraient et la rendaient toute transie. Car c’est l’amour seul qui colore la vie et y suspend un astre radieux dont les rayons font jaillir d’éblouissantes clartés des prés, des monts, des clochers, des villes ; alors tout est rose, tout est diaphane, tout est caressant à l’œil et à l’âme. Mais que l’amour soit rebuté, que sa main brûlante soit forcée de se re-