Aller au contenu

Page:Des Monts - Les Legendes des Pyrenees 3e, 1876.djvu/244

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LE PASTEUR DE 909 ANS.

« Transportons-nous dans les vallons d’Arize, immenses pacages, racines du mont qu’on appelle le Pic-du-Midi de Bagnères. Là vivait, dans les temps reculés, un très-vieux pasteur ; là il paissait ses troupeaux, et il n’avait jamais neigé sur la montagne. Or, il venait d’atteindre sa neuf cent neuvième année, lorsqu’il vit pour la première fois tomber la neige, et, la voyant, il connut que sa fin était proche et appela ses deux fils. Ceux-ci, qui le savaient très-vieux et qui considéraient parfois la longue barbe de mousse qui pendait au menton de leur père comme à un sapin antique, avaient essayé de ranimer ses forces en lui portant du vin. Le vieillard y trempa ses lèvres et les trempa encore. « De quel arbre est ce fruit ? dit-il. — Ce n’est point fruit de la ronce, » répliquèrent en souriant ses fils. Mais la liqueur généreuse et nouvelle ne lui donna qu’un plaisir passager, alluma son vieux sang une minute : ce fut la flamme plus haute et dernière d’une lampe qui s’éteint, et à la première neige qui descendit sans relâche : « Mes fils, dit-il, je meurs, voici ma fin qui arrive ; rien ne peut à présent me retenir parmi vous ; je le savais, cela « me fut prédit ; ces blancs flocons sont mon linceul qui vient, qui se déploie, qui tombe. Mais