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Page:Des Monts - Les Legendes des Pyrenees 3e, 1876.djvu/39

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pas la voile qui le protège ! au malheureux proscrit s’il n’aime pas sa patrie absente, je l’aime comme on aime un ami qu’on a longtemps attendu, comme je vous aime, ma mère ; il me semble que s’il s’en allait d’ici mon âme partirait avec lui.

— Et lui as-tu avoué ton amour ?

— Faut-il dire à quelqu’un qu’on l’aime ? n’a-t-il pas pu le lire dans mes yeux ?… Un jour il me dit qu’il allait s’éloigner, s’éloigner bien loin, bien loin d’ici ; je ne sais plus ce que je faisais, je le retins avec une parole triste ; je ne lui dis pas que je l’aimais, ma mère ; non, je ne sais pourquoi je n’osai le lui dire, mais je lui confiai tout bas que ce départ si prompt vous paraîtrait peut-être de l’ingratitude, à vous qui lui portiez tant d’affection ; ce n’était pas mentir, n’est-ce pas ? ce n’était pas non plus lui avouer tout le vide que son absence jetterait autour de nous, autour de moi, allais-je dire ?… Ma mère, ai-je démérité par hasard de votre amour en lui parlant ainsi, comme au frère que je n’ai pas connu ?

— Non, répondit cette dernière ; mais elle tremblait tout bas cependant, elle craignait, pour l’innocence de sa fille, les suites de cet aveu involontaire échappé de son âme ignorante ; elle se reprochait aussi sa conduite trop insoucieuse peut-être ; mais en plongeant son regard dans ce regard limpide