Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, première partie.djvu/325

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complète, mais encore nos moyens de connaître sont dans un engourdissement total ; nous n’en possédons, pour ainsi dire, que le germe ; il faut que l’exercice les élabore, les perfectionne, les développe. Ainsi nous sommes entièrement les ouvrages de l’art, c’est-à-dire de notre propre travail ; et nous ressemblons aussi peu aujourd’hui à l’homme de la nature, à notre manière d’être originelle, qu’un chêne ressemble à un gland, et un poulet à un œuf.

Nous devons donc bien nous garder de croire que nos facultés intellectuelles aient toujours été ce qu’elles sont, et que, dans toutes les circonstances, elles eussent fait les mêmes progrès ; et il serait très-curieux de démêler, dans l’état où nous les voyons, ce qu’elles doivent au perfectionnement de notre individu et à celui de l’espèce humaine en général : tâchons d’y parvenir. Nous ne saurions jamais nous considérer sous trop d’aspects différens ; c’est le moyen de nous mieux connaître.

La seule manière de savoir parfaitement à quoi s’en tenir sur ce point, serait de pouvoir observer des hommes qui n’auraient jamais eu de communication avec aucun