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Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, première partie.djvu/420

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pour celui qui l’invente, mais qu’il a toujours quelque chose de vague et d’incertain pour celui qui le reçoit ; or, c’est le cas où nous sommes presque toujours. C’est donc avec cette imperfection que nous y attachons nos idées, et qu’ensuite nous les manifestons.

Il y a plus ; je viens d’accorder que tout signe est parfait pour celui qui l’invente, mais cela n’est rigoureusement vrai que dans le moment où il l’invente, car quand il se sert de ce même signe dans un autre temps de sa vie, ou dans une autre disposition de son esprit, il n’est point du tout sûr que lui-même réunisse exactement sous ce signe la même collection d’idées que la première fois ; il est même certain que souvent, sans s’en apercevoir, il y en a ajouté de nouvelles, et a perdu de vue quelques-unes des anciennes. Ainsi, lorsque j’apprends le mot amour et celui de mer, sans avoir ressenti l’un ni vu l’autre, je leur adapte à chacun un groupe d’idées formé par conjectures, qui ne peut manquer de différer de la réalité ; lorsqu’ensuite j’ai ressenti l’amour et vu la mer, j’assemble sous ces mots une foule de perceptions réellement éprouvées, mais je ne suis pas du tout