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Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/150

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— Jamais, — dit le jeune homme en riant, — J’ai le sommeil trop dur.

— Vous avez le sommeil dur, — répéta Obenreizer en le regardant avec admiration. — Voilà un bienfait du ciel.

— Ce n’en serait pas un pour le reste de la maison s’il fallait que demain matin on m’éveillât à grands coups frappés dans la porte.

— Moi aussi, je laisse ma porte ouverte, mais je veux vous donner un bon conseil, en ma qualité de Suisse qui connaît son pays ; quand vous voyagerez chez nous, mettez toujours vos papiers… et votre argent naturellement… sous votre oreiller.

— Vous faites là un singulier éloge de vos compatriotes.

— Mes compatriotes ! — fit Obenreizer en lui pressant doucement les coudes, — ils sont semblables à la majorité des hommes… Et la majorité des hommes ne manque jamais de prendre à autrui ce qu’elle peut lui prendre. Adieu. Demain à quatre heures.

— À quatre heures, bonsoir !

Resté seul, Vendale rapprocha les bûches, les couvrit de la cendre blanche du bois de sapin répandue dans le foyer, et s’assit, la tête dans ses mains, pour rassembler ses pensées. Mais elles continuaient à courir dans l’espace et le grondement du fleuve les agitait encore. Tandis que le jeune homme essayait de réfléchir, la disposition au sommeil, qui le gagnait auparavant, le quitta. Il lui parut qu’il ferait bien de ne pas se coucher encore, et il demeura près du feu.

Marguerite, Wilding, Obenreizer, passaient devant