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Page:Dictionnaire pratique et historique de la musique.pdf/151

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duisent mot à mot les allusions au mouvement, au repos, à l’attente, à des soupirs ; peu à peu, une sorte de vocabulaire expressif conventionnel s’établit dans le style religieux aussi bien que dans le genre profane ; le Credo de la messe, où se résume la vie du Sauveur, se divise en fragments successifs, étroitement raccordés, mais traités en liaison avec le contenu des versets et que sillonnent des intentions descriptives ou pathétiques ; celles-ci trouvent à se produire fréquemment dans les motets ; les plus visibles résultent de la direction des motifs. Palestrina († 1594) se conforme à des modèles déjà traditionnels lorsqu’il fait gravir à la voix une octave sur les mots « Ascendens Christus in altum ». (Voy. Direction.)

Carissimi (1604-1674), cent ans plus tard, ne manque pas d’y recourir :


\language "italiano"
melody = \relative do' {
  \clef bass
  \key fa \major
  r8 re16[( do] sib8) sib16[( la] sol4) sol8 fa | \break
  \override Score.Clef.break-visibility = ##(#f #f #f)
  \override Score.KeySignature.break-visibility = ##(#f #f #f)
  mi re do sib la sol fa' mi | re1 | s8 \hideNotes do4
}
text = \lyricmode {
  De -- scen -- de no -- bis -- cum in in -- fer -- num, in in -- fer -- num.
}
\score {
  <<
    \new Voice = "mel" { \autoBeamOff \melody }
    \new Lyrics \lyricsto mel \text
  >>
  \layout {
    \context { \Staff 
               \RemoveEmptyStaves 
             }
    indent = 0\cm
    line-width = #120
    \override Score.BarNumber #'stencil = ##f
  }
  \midi { }
}
\header { tagline = ##f}
(Carissimi, Historia divitis.)

Pendant le xviie s., les procédés expressifs de ce genre deviennent tellement usuels, que certains écrivains, les Allemands Volupius (1631) et D. Speer (1697), le Français Le Cerf de la Viéville (1706), les codifient ou tout au moins les mentionnent en parlant des « mots distingués dans toutes les langues et auxquels les musiciens ont égard ». J.-S. Bach les emploie si fréquemment que ses commentateurs modernes y découvrent un côté important de son esthétique ; si Jésus monte au Golgotha, la formule :


\language "italiano"
melody = \relative do' {
  \clef bass
  \key mib \major
  \partial 8 do8 | re,[( mib]) fa[( sol]) lab4 r8 sol^\markup { \hspace #2 \italic "etc." } |
}
text = \lyricmode {
  Wir geh'n hin -- auf, wir
}
\score {
  <<
    \new Voice = "mel" { \autoBeamOff \melody }
    \new Lyrics \lyricsto mel \text
  >>
  \layout {
    \context { \Staff 
               \RemoveEmptyStaves 
               \remove Time_signature_engraver
             }
    \context { \Score
               \override SpacingSpanner.base-shortest-duration = #(ly:make-moment 1/32)
    }
    indent = 0\cm
    line-width = #120
    \override Score.BarNumber #'stencil = ##f
  }
  \midi { }
}
\header { tagline = ##f}
(Bach, Cantate no 159.)


se répète trois fois de suite en progressant chaque fois d’un degré, si, au contraire, le Sauveur s’arrête, la voix se fixe sur une note tenue :


\language "italiano"
melody = \relative do'' {
  \clef treble
  \key sib \major
  \time 3/4
  \partial 8 mib8 | re2.~ | re~ | re4\( re8\) re8[ sol] re^\markup { \hspace #2 \italic "etc." } |
}
text = \lyricmode {
  So ste -- het Je -- sus
}
\score {
  <<
    \new Voice = "mel" { \autoBeamOff \melody }
    \new Lyrics \lyricsto mel \text
  >>
  \layout {
    \context { \Staff 
               \RemoveEmptyStaves 
               \remove Time_signature_engraver
             }
    \context { \Score
               \override SpacingSpanner.base-shortest-duration = #(ly:make-moment 1/32)
    }
    indent = 0\cm
    line-width = #120
    \override Score.BarNumber #'stencil = ##f
  }
  \midi { }
}
\header { tagline = ##f}
(Bach Cantate no 78.)


En France, Mably (1741) proteste contre l’abus de pareils procédés « L’homme raisonnable, dit-il, s’attache à rendre la pensée et le sentiment d’un vers sans vouloir faire une peinture des mots en particulier » ; sa critique reste vaine, et, dans l’opéra, dans la cantate, l’expression se fige en formules mélodiques, qui mettent au premier plan le pouvoir pictural des sons. Le choix des tonalités, qui entrait déjà en ligne de compte chez les mélodistes liturgiques du moyen âge, est pour les maîtres des époques suivantes un moyen soigneusement pratiqué d’E. En souvenir des traditions de l’antiquité, qui attribuaient un caractère moral propre à chaque mode, les théoriciens modernes, après même l’unification du système tonal par le tempérament, affirment que chaque transposition du mode majeur possède une couleur et une signification particulières ; le contraste est réel entre le mode majeur et le mode mineur ; Carissimi l’appelle à son aide pour opposer le rire aux larmes, en répétant presque la même phrase coup sur coup, en fa majeur et en fa mineur :


\language "italiano"
\score {
  <<
    \new Voice = "melody" {
      \relative do'' {
          \clef treble
          \key fa \major
          \time 3/4
          \autoBeamOff
        <<
          {
            \voiceOne
                \stemDown do4 do do | do4. re8[ do sib] \stemUp la4. la8[ sib do] | \break
                \override Score.Clef.break-visibility = ##(#f #f #f)
                \override Score.KeySignature.break-visibility = ##(#f #f #f)
                re[ do re do sib la] | sol2 sol4 | fa2. | \repeat unfold 5 s2.
          }
          \new Voice = "splitpart" {
            \voiceTwo
                \repeat unfold 5 s2. | do'4 do do | do sib4. do16[ sib] |
                \stemUp lab4. lab8[ sib do] | sib4. sol8[ lab sib] | lab4 sol4. fa8 | fa2._\markup { \hspace #5 \italic "etc." } |
          }
        >>
      }
    }
    \new Lyrics \lyricsto "melody" {
      E pur da ri -- \repeat unfold 5 { \skip 1 } de -- re
    }
    \new Lyrics \lyricsto "splitpart" {
      E pur da pian -- \repeat unfold 13 { \skip 1 } ge -- re
    }
  >>
  \layout {
    \context { \Staff \RemoveEmptyStaves }
    indent = 0\cm
    line-width = #120
    \override Score.BarNumber #'stencil = ##f
  }
  \midi { }
}
\header { tagline = ##f}
(Carissimi, Héraclite et Démocrite.)


Les madrigalistes introduisent le chromatisme dans leurs pièces à plusieurs voix, et de là, dans les scènes dramatiques de l’opéra italien à ses débuts, comme un moyen puissant de rendre les sentiments douloureux ou passionnés ; Bach, au siècle suivant, s’en sert pour maintenir dans « une tonalité incertaine » les passages de textes énonçant des pensées de trouble, de doute ou d’égarement ; mais, quelles que soient les trouvailles expressives réalisées dans cette direction par les musiciens de la période