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Page:Dictionnaire pratique et historique de la musique.pdf/152

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classique, c’est vers des formes tonales longtemps encore très simples qu’ils orientent leur langage mélodique ; pour le rendre expressif, Lulli, Grétry, Gluck le rapprochent d’aussi près qu’il est possible des accents de la parole, et la vérité de la déclamation apparaît, par leur exemple, la loi fondamentale de l’E. dans la musique dramatique ; c’est à cette loi naturelle que, après les infractions brillantes et passagères de l’école du « grand opéra », l’on a vu revenir, dans la seconde moitié du xixe s., Wagner et les écoles modernes. C’est autour d’elle que le drame lyrique et toutes les formes de la musique vocale font graviter aujourd’hui la tonalité, l’harmonie, les formes mélodiques et le coloris orchestral. La musique instrumentale a de bonne heure cherché dans l’appui d’un programme littéraire une détermination sensible de son pouvoir expressif. Par elle-même, et à l’état de « musique pure », elle a été accusée de n’offrir qu’un idiome vide de toute signification morale et sentimentale. Les maîtres, cependant, qui l’ont créée et ceux qui l’enrichissent aujourd’hui de nouveaux chefs-d’œuvre parlent à tout musicien un langage que l’esprit perçoit en même temps que l’oreille, et dont l’élévation, la sincérité, la force, la passion, la tendresse, ou bien la nullité, la vulgarité, la froideur attirent, persuadent, enflamment, ou au contraire repoussent ; ce langage s’analyse, pour le fond et pour la forme, se renouvelle, s’enrichit, et correspond aux pensées des générations d’hommes qui l’ont parlé et entendu ; il a son E. générale et profonde, et ses E. verbales, qui sont les formes sonores propres à chaque période. Dans l’exécution, l’E. consiste à rendre par le jeu ou le chant le sens de la composition notée ; elle ne s’acquiert point, comme la perfection du mécanisme, par des exercices multipliés et savamment gradués ; elle résulte de l’aptitude du virtuose à sentir et à rendre l’émotion qui a dicté l’inspiration du compositeur et qu’il ne faut ni atténuer par une interprétation indifférente ou timide, ni exagérer par une dépense personnelle de sentimentalité ; une E. juste est la plus belle qualité que l’on puisse louer dans l’interprétation d’un véritable musicien. || 2. * Dans l’orgue, pédale spéciale qui actionne les jalousies de la boîte d’expression (voy. ce mot). Dans l’harmonium de système français, ressort spécial commandé par un tirant, et qui règle à volonté la distribution de l’air dans les sommiers suivant la pression des pédales, pour obtenir des nuances. L’harmonium, surtout celui « à double E. », l’une pour les dessus, l’autre pour les basses, possède aussi un organe analogue à la boîte de l’orgue, et commandé par des genouillères (voy. ce mot). Il y a eu en France, au xixe s., de 1820 à 1870, des polémiques parfois violentes entre les critiques, les organistes, les personnes s’intéressant à la facture d’orgue, sur la question de savoir si ces organes d’E. « artificielle » devaient ou non être adoptés dans l’orgue. Alors que Grenié, inventeur de l’ « orgue expressif » (1825), voyait des artistes tels que Boëly, écrire pour cet instrument, dès 1827, avec toutes les nuances communément admises dans la musique de piano, de violon ou d’orchestre, le fait qu’un jeu d’orgue est inexpressif par soi-même semblait à Fétis, ou à d’Ortigue, la preuve que cet instrument ne peut supporter aucune recherche de ce genre, et que seulement l’opposition des jeux ou des plans lui convient. L’apogée de cette querelle fut marqué par l’inauguration de l’orgue construit par Cavaillé-Coll pour Saint-Sulpice (1865), que l’on mettait en opposition avec l’instrument précédent, qui avait un Clicquot pour base, et dont une partie des jeux était d’ailleurs conservée. De fait, l’introduction de moyens expressifs dans un instrument de ce genre, à une époque d’aussi mauvais goût pour la musique d’orgue, rendait trop flagrante l’opposition entre les morceaux soi-disant descriptifs d’un Lefébure-Wély et autres médiocres compositeurs, et la grandeur des œuvres classiques, ou de celles d’un Boëly ou d’un Lemnens, qui, sur le grand orgue, emploient peu l’E. Mais l’emploi judicieux de ces moyens nouveaux par César Franck et les musiciens qui gravitaient autour de lui montra de quelle façon on pourrait faire la part des choses, et il n’est plus aucun organiste qui voudrait renoncer à ce précieux moyen de modifier les coloris des timbres de l’orgue, à condition toutefois qu’on n’en abuse point.

Extinction des feux. * Sonnerie militaire qui annonce qu’aucune lumière ne doit plus briller. C’était la sonnerie préférée de l’empereur Napoléon Ier, à l’époque duquel la mélodie toujours en usage commença à être mise en pratique (an xiii [1806]).

Extinction de voix. Voy. Aphonie.