quant à la marche des parties, à leur superposition, au choix et à l’enchaînement des accords produits par leur réunion ; certains manuels résument en tableaux analogues à ceux d’une page de Barême les combinaisons d’intervalles à employer en chaque cas et beaucoup de traités ne sont en définitive que des recueils de formules permises ou défendues, analogues aux listes de « dites » et « ne dites pas » jointes aux anciennes grammaires. Les modèles en sont d’ordinaire imaginés par l’auteur même du traité et pas plus que les « devoirs » d’élèves rédigés à leur instar, ils n’offrent d’intérêt artistique ; ils servent, comme les énumérations de « mots d’usage », à enseigner comment s’écrivent isolément les locutions courantes du langage musical. Un second degré d’enseignement concerto l’H. dissonante ou H. chromatique, dans laquelle sont admises la modulation et les altérations accidentelles ; on le subdivise parfois en H. dissonante naturelle, comprenant les accords qu’il est permis d’employer sans préparation, et H. dissonante artificielle, où la préparation est exigée. Mais toutes ces barrières sont factices et à tout moment de l’histoire musicale, le génie d’un compositeur peut les renverser et obliger les pédagogues à en établir de nouvelles, un peu plus loin. Stationnaire pendant le xviiie s., et très lente au xixe, l’évolution de l’H. s’accomplit de nos jours si rapidement qu’en peu d’années, des doctrines considérées comme hardies, se trouvent presque surannées. Comme pour toutes les autres branches de l’art musical, l’étude et l’enseignement de l’H. doivent donc reposer sur des fondements historiques. Tel fut le principal mérite du Traité d’H. de Fétis (1824, 9e édition, 1867) qui, empreint du pédantisme dogmatique habituel à ce musicologue, faisait du moins place pour la première fois à un résumé chronologique des précédents ouvrages sur les mêmes matières et tel est aussi l’une des caractéristiques du beau et déjà très modernes Traité d’H. de Gevaert (1907), dont, contrairement à la méthode ordinaire, presque tous les exemples sont puisés dans les œuvres des compositeurs de toutes les écoles, ou dans le répertoire du chant liturgique ou du chant populaire. Wagner, musicien révolutionnaire sous le rapport des formes générales, de la mélodie, de l’instrumentation, apparaît comme purement classique et héritier direct de Beethoven, dans le domaine de l’H. ; il en emploie les ressources à des intentions expressives et descriptives et ce n’est pas par les sonorités imprévues d’accords nouveaux qu’il subjugue l’oreille de ses auditeurs, mais par leur plénitude et par la rigueur de leurs enchaînements, qui rejette la fréquence des repos et des cadences parfaites. C’est chez les musiciens français des dernières années du xixe s. et du commencement du xxe que s’est dessiné le mouvement novateur bientôt partout propagé et qui inaugure sous nos yeux une période nouvelle de l’art d’écrire la musique. Gabriel Fauré et Ernest Chausson ont été les premiers pionniers de la route dont Claude Debussy a ouvert les portes toutes grandes et où s’élancent ou s’aventurent Maurice Ravel, Florent Schmitt, Albert Roussel et leurs rivaux.
En reconnaissant dans
les innovations de ces maîtres une
extension de l’emploi des sons harmoniques
poussée jusqu’aux degrés les
plus éloignés de leur échelle, on les
rattache logiquement à la même lignée
dont étaient issues les premières diaphonies
du moyen âge et la théorie de
Rameau sur le corps sonore. On
découvre en même temps dans la
répercussion du chromatisme et des
essais de constitution d’une gamme
par tons entiers ou d’autres gammes
dissidentes, sur la structure et la