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Page:Dictionnaire pratique et historique de la musique.pdf/259

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qui s’entrecroisent autour d’elle, la rendaient insaisissable par l’oreille pendant l’exécution, impossible à isoler et souvent même à reconnaître. La meilleure définition du rôle assigné au thème de chanson dans la composition de la M. a été donnée par Ambros, lorsqu’il l’a comparé à la légère armature de fer sur laquelle un sculpteur appuie la terre glaise lorsqu’il modèle une statue et qui disparaît entièrement, au cœur de son travail.

Pendant plus d’un siècle et demi, le style de M. fut cultivé dans un même esprit par les musiciens de toutes nationalités. Leurs œuvres destinées aux chapelles souveraines ou aux chœurs des églises cathédrales ou collégiales, se comptent par milliers. On connaît plus de vingt messes de Ockeghem († 1495), vingt-cinq à trente de Josquin Després († 1521), quarante-six d’Orlande de Lassus, presque autant de Victoria, quatre-vingt-douze de Palestrina. Elles furent parfois réservées aux seuls chœurs pour lesquels on les avait composées. L’ensemble de toutes ces M. est parvenu jusqu’à nous soit dans quelques mss. précieux de la Chapelle Sixtine, de la cathédrale de Trente et de quelques églises fameuses d’Espagne et d’Italie, soit dans les recueils qui furent publiés en grand nombre aussitôt que fonctionnèrent les premières presses musicales. L’un des plus célèbres est le Liber quindecim Missarum dédié au pape Léon x par l’imprimeur André de Antiquis, en 1516, où sont réunis des ouvrages de maîtres français et flamands, Jean Mouton, Brumel, Fevin, Pierre de la Rue, Pipelare, Josquin, et une de l’Italien P. Roselli.

C’est parce qu’il mit, dans la seconde moitié du xvie s., le dernier sceau à la beauté du style de M. et de motet polyphonique vocal, que Palestrina († 1594) mérita l’honneur de laisser son nom à l’art où il avait su condenser et fondre en une manière harmonieuse les résultats les plus admirables et les plus délicats de l’immense labeur de plusieurs générations de compositeurs. Il n’était pas possible de surpasser après lui la perfection de la « musique palestrinienne ». Ses successeurs cherchèrent donc de nouvelles voies et firent appel à l’accompagnement instrumental, qui s’établissait alors dans le domaine de l’opéra et de la musique de chambre à voix seule avec basse continue. Sans doute, le mélange des instruments et des voix se pratiquait depuis le moyen âge et il avait pu pénétrer, par caprice ou par nécessité, sous la voûte des églises ; des témoignages précis rappellent, par exemple, que des solos de cornet furent exécutés pendant la M., à « la façon d’Espagne », par un virtuose renommé au temps de Charles-Quint et de François Ier ; que pendant la M. célébrée en plein air, au Camp du drap d’or, les « saquebutes du roi » se firent entendre avec ses chantres ; et que, de temps en temps, quelque maître de chœur se voyait autorisé par un chapitre à faire venir « du dehors » un ou deux instrumentistes, pour suppléer « au défaut des voix ». Tout cela constituait l’exception, non la règle, et si forcément l’interprétation de leurs M. restait soumise, comme elle l’est de nos jours, aux risques du moment, du moins faut-il rester convaincu que dans leur pensée, comme dans leurs notations, les compositeurs du xve et du xvie s. les destinaient aux voix. Une fois la participation des instruments régulièrement admise et prévue, l’orientation du style de M. changea brusquement ou, plus exactement, se confondit avec celle de l’art en général, qui tendait vers l’expression et les formes dramatiques. Les textes très variés des motets offrant à cet égard un terrain plus favorable, les musiciens inclinèrent davantage vers ce genre qui ne tarda guère à faire presque abandonner la composition de l’ « Ordinaire de la M. ». Lorsqu’ils se tournent encore vers celle-ci, les maîtres italiens de la fin du xviie s., Benevoli, Berretta, essaient d’en renouveler l’intérêt par l’accumulation des moyens vocaux ; ils écrivent des M. à seize, à vingt-quatre voix. En France, La Lande, qui compose vingt livres de Grands Motets pour la chapelle de Louis xiv, ne laisse pas de M., et Dumont, remarquable aussi dans le répertoire du motet, ne participe à celui de la M. que par des œuvres homophones, en « plain-chant musical ». En Allemagne, le luthérien J.-Sébastien Bach écrit une M. catholique, la M. en si mineur (1733), magnifique et gigantesque, l’un de ses chefs-d’œuvre et l’un des chefs-d’œuvre de la musique tout entière, dont les proportions, incompatibles avec le service d’aucun culte, dépassent tout ce qui avait été tenté auparavant sur le même texte. Le Gloria et le Credo se divisent chacun en 8 morceaux dont les formes, airs avec da capo, chœurs fugués, sont identiques à celles des grandes cantates religieuses protestantes du même auteur. Le genre de la « M. de concert », sorte de grande cantate, ou de M.-